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“Jusqu’où faut-il laisser des collaborateurs en conflit gérer seuls leur différend ?” par Debora Akinci-Lopez

Décembre 2020 – Série N°3

Au sommaire de cette nouvelle série d’articles proposée par les membres du Cercle Suisse des Administratrices : RSE, gestion des conflits, technophilie, fabrique urbaine, finance, diversité des compétences et créativité. Une diversité de thèmes qui reflète celle des motivations actuelles de nos entreprises, prises en étau mais également dynamisées par la continuité de leurs activités post-covid, les enjeux environnementaux et la pression technologique.

Aujourd’hui, Debora Akinci-Lopez  nous propose « Jusqu’où faut-il laisser des collaborateurs en conflit gérer seuls leur différend ? ».

Retrouvez tous les articles de l’actuelle série, et des précédentes, sur www.csda.ch. Ces articles ne reflètent pas forcément la position du Cercle Suisse des Administratrices et n’engagent que leur auteure.

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Debora akinci lopez

Jusqu’où faut-il laisser des collaborateurs en conflit gérer seuls leur différend ?

Les managers sont conscients de l’importance de communiquer, motiver, former, encourager, accompagner et soutenir leurs équipes dans le but de les rendre plus performantes et les mener vers la réalisation des objectifs opérationnels et stratégiques. 

Mais lorsqu’un conflit entre collaborateurs vient, comme un grain de sable, gripper les rouages de l’organisation, ils se sentent parfois démunis. Conséquence : bien souvent ils décident de ne rien faire. Parfois avec la conviction que des adultes doivent pouvoir gérer leurs problèmes interpersonnels. Parfois avec la croyance qu’ils pourraient aggraver la situation s’ils intervenaient.

Ce pari peut s’avérer risqué tant pour les personnes directement touchées, que pour l’entourage professionnel qui assiste souvent démuni à une escalade du conflit. La boîte à outils du manager n’est pas forcément équipée pour maîtriser ces aléas, mais des solutions existent. La médiation en est une. Nous verrons plus loin comment repérer un conflit latent ou potentiel et surtout comment agir pour retrouver des relations professionnelles harmonieuses.

Un conflit non traité est un poison pour une organisation

Un conflit peut rapidement monter en escalade et aura des répercussions au-delà des personnes concernées. Les collègues proches seront touchés et la bonne marche de l’organisation en sera affectée.

Différentes études le montrent, les comportements de personnes en conflit deviennent irrationnels et parfois même destructeurs. Les médiateurs connaissent bien ce mécanisme étudié par l’autrichien Friedrich Glasl. Ce dernier a développé un outil connu sous le nom de l’escalade du conflit ou l’échelle de Glasl. Comme le montre le schéma ci-après, le phénomène est décrit en neuf marches et trois paliers, chaque marche franchie menant vers une sorte d’abîme.

            Source : F. Glasl’s “Confronting Conflict”

 

Le stade « gagnant-perdant » peut être atteint assez vite. Il est marqué par le fait que chacune des parties a pour but de faire céder l’autre et que l’objet du litige passe en second plan. Survient alors une logique de « victoire ou défaite ». Les protagonistes chercheront à former des alliances, entraînant parfois des collègues qui n’ont rien demandé.

Quant au stade « perdant-perdant », il est décrit comme le passage à une situation qui commence à déraper et où le sens des réalités semble se perdre. Glasl parle de frappes contrôlées dans le sens où cela devient une question de survie, les protagonistes acceptant de subir des dommages à condition que ceux subits par l’adversaire soient supérieurs. 

Comment identifier les signaux d’un conflit et surtout comment le gérer ?

La relation professionnelle est un carrefour d’enjeux : personnels, relationnels et organisationnels. Quelle que soit leur origine, les conflits au travail auront tôt ou tard un impact sur l’écosystème engendrant souffrances et baisse de productivité. Des positions qui se durcissent entre deux collègues, une personne qui semble de plus en plus exclue du groupe, des propos accusateurs par courriels interposés ou une ambiance qui se dégrade sont autant d’indicateurs de conflits potentiels. Le manager, en tant que garant de l’équilibre du système, est concerné et se doit d’être attentif à ce qui se joue au sein de son organisation.

Mais que peut-il faire concrètement une fois le malaise détecté ? Tout d’abord, il est important de nommer les choses et ne pas laisser la situation s’envenimer. Pour cela, une discussion ouverte avec chacun des protagonistes peut lui permettre de mieux en saisir les tenants et aboutissants. Une écoute active et sans jugement sera précieuse. Les entretiens individuels lui permettront également de rappeler le cadre : mission, objectifs et règles de comportement. Revenir sur les valeurs de l’entreprise ou ses valeurs personnelles en tant que manager peut également lui permettre de faire passer son message avec authenticité. Ces discussions lui permettront de poser un diagnostic plus précis et surtout de déterminer s’il faut chercher une aide extérieure. Les Ressources Humaines peuvent être un appui interne à l’entreprise. Mais parfois l’intervention de professionnels formés à la résolution des conflits reste la plus pertinente.

Une issue « gagnant-gagnant » grâce à la médiation

La bonne nouvelle est qu’il est souvent possible d’inverser le courant par une désescalade du conflit. Identifier l’ensemble des personnes concernées et les causes du désaccord le plus tôt possible est certes une priorité pour le manager. Mais cela ne suffit pas toujours à apaiser durablement la situation. Bien souvent le manager n’a pas les outils ou le recul nécessaire pour accompagner le processus de résolution du litige. 

La médiation offre un cadre sécurisé dans lequel un tiers impartial soutient les parties concernées afin qu’elles trouvent une issue à l’amiable. La finalité est ainsi de permettre aux personnes concernées d’établir ou rétablir une relation, en dépassant une situation conflictuelle. Les médiés ont la possibilité de développer, par le biais d’approches créatives, des scénarii « gagnant-gagnant » tout en tenant compte des intérêts de chacun.

 

Pour en savoir davantage :

Fédération suisse de médiation – https://www.mediation-ch.org/cms3/fr/

Chambre suisse de médiation commerciale – https://skwm.ch/fr/

Fédération genevoise médiations – https://fgem.ch/

 

(c) Debora Akinci, administratrice MVT architectes, médiatrice fsm-csmc