Décembre 2020 – Série N°3
Au sommaire de cette nouvelle série d’articles proposée par les membres du Cercle Suisse des Administratrices : RSE, gestion des conflits, technophilie, fabrique urbaine, finance, diversité des compétences et créativité. Une diversité de thèmes qui reflète celle des motivations actuelles de nos entreprises, prises en étau mais également dynamisées par la continuité de leurs activités post-covid, les enjeux environnementaux et la pression technologique.
Aujourd’hui, Caroline Boutillon-Duflot nous propose «Pourquoi la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est-elle un sujet aussi transversal que la gestion financière pour les conseils d’administration ?».
Retrouvez tous les articles de l’actuelle série, et des précédentes, sur www.csda.ch. Ces articles ne reflètent pas forcément la position du Cercle Suisse des Administratrices et n’engagent que leur auteure.
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Pourquoi la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est-elle un sujet aussi transversal que la gestion financière pour les conseils d’administration ?
Innovation, développement, acquisition, restructuration : le dossier présenté et débattu en Conseil d’administration comporte toujours le coût, le retour sur investissement escompté, l’impact sur l’image de l’entreprise et les retombées financières indirectes espérées. Il intègre rarement l’impact environnemental, social et sociétal que ces sujets portent également sans exception. Près de la moitié des conseils d’administration ont créé un comité RSE (enquête Ernst&Young 2020) qui permet de structurer, en politique RSE, les multiples initiatives prises par le management. C’est souvent une mission exclusive de reporting qui lui est assigné, et la RSE n’est que trop rarement associée dans la réflexion stratégique. Comment les administrateurs peuvent-ils mieux mitiger certains risques et saisir des opportunités supplémentaires en intégrant les questionnements environnementaux et sociaux des opérations qui leur sont présentées ?
Aborder la RSE uniquement sous l’angle règlementaire revient à supporter les coûts inhérents à la mise en conformité sans en capter les bénéfices.
Les comités d’audit et de compliance révisent les comptes annuels et le système de contrôle interne. Les comités RSE sont quant à eux chargés de la vérification de la conformité aux exigences extra-financières (LPD et RGPD,…) et la révision des rapports RSE établis par la Direction.
A ce jour, moins de 10% des comités RSE sont mandatés pour suivre, et faire au besoin évoluer, les indicateurs de performance RSE (enquête Ernst&Young 2020). Pourtant, comme le comité d’audit, il gagne à suivre les bons indicateurs de performance pour évaluer la réalité de l’ancrage RSE dans les métiers de l’entreprise et le réalisme des objectifs assignés aux équipes. De la même manière que tenir une comptabilité légale est une charge et regarde vers le passé, là où le (bon) contrôle de gestion permet de simuler l’avenir et de définir les jalons pour y parvenir.
Pour les impacts environnementaux, des indicateurs intermédiaires qui permettent d’anticiper la réalisation de la réduction de l’empreinte carbone transport sont par exemple la distance des fournisseurs et la ventilation des livraisons par moyen de transport employé. Sur le plan social par exemple, il est intéressant de suivre la fidélisation des salariés ainsi que le recrutement et la rétention de talents.
Comme les finances, la RSE possède ses règles, ses indicateurs et ses parties prenantes.
Une entreprise synthétise et publie ses résultats financiers selon des règles établies. Elle fait de même avec son bilan RSE pour rendre compte de ses actions et de ses résultats en matière de responsabilité sociale d’entreprise. Comme pour les états financiers, il y a un usage interne en plus de l’usage externe. Le rapport RSE permet en interne de mesurer les conséquences des activités sur l’environnement, sur la société et sur l’écosystème économique. C’est un levier d’amélioration des processus qui permet de réduire les externalités négatives mais aussi, potentiellement, d’engendrer un impact positif. En externe, le rapport RSE permet aux parties prenantes d’évaluer les conséquences à moyen et long terme des activités de l’entreprise et de faire des choix plus éclairés en matière d’achat ou de collaboration.
Chaque sujet (ou presque) à l’ordre du jour d’un conseil d’administration a un impact RSE.
Qu’il s’agisse de valider le développement d’un produit, un investissement, une restructuration, une collaboration avec un nouveau partenaire, ou encore la refonte du système d’information : chacun de ces sujets a un impact RSE. On peut s’interroger sur la façon dont les dimensions de gouvernance, sociale et sociétale, environnementale, d’éthique des affaires et plus généralement la relation avec l’ensemble des parties prenantes sont débattues. En effet, Il existe un risque RSE comme il existe un risque financier. Et aussi une opportunité RSE qui représente un avantage concurrentiel d’approvisionnement, industriel, commercial et/ou humain. Une opération de croissance externe est envisagée : où sont les résultats de la due diligence portant sur les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance ? Une diversification produits, un plan social, une relocalisation de la production sont à l’étude : l’approche des acteurs et des marchés valorisée par une approche RSE permet de dégager des tendances de fond voire des besoins non couverts, et de revisiter les processus avec un angle d’analyse différent (source : article IFA 2014).
Conclusion
Les implications RSE – au même titre que les incidences financières – font pleinement partie de l’équation et de l’analyse permettant d’aboutir à la meilleure décision : cela doit devenir une évidence. Personne n’aurait idée d’occulter l’impact financier en signalant que cela relève de la compétence du comité d’audit et financier, qui fera son rapport en temps voulu au conseil en plénière. Les aspects RSE ne sont pas, non plus, de la stricte compétence du comité RSE. Comparer la manière dont sont traités les aspects financiers et RSE des thèmes abordés au conseil est très éclairant : ce sont deux transversaux forts, indispensables à la survie des entreprises. Les entreprises seront durables et profitables, ou ne seront plus.
© Caroline Boutillon-Duflot
Titulaire d’un Master in Management de l’emlyon et du Diplom-Kaufffrau de l’Université de la Sarre (Allemagne) avec une option en recherche opérationnelle, Caroline Boutillon-Duflot a exercé plus de 20 ans en direction financière dans plusieurs secteurs d’activité (industries pharmaceutique, aéronautique et agroalimentaire, biens d’équipements, techniques du bâtiment) et l’administration publique (Centrale de Compensation, Innosuisse). Elle accompagne à présent les dirigeants de PME dans leur transition écolologique et sociétale pour pérenniser leur modèle économique (https://profitdurable.com). Elle est membre du conseil de surveillance de la banque mutualiste Crédit Mutuel en France voisine ainsi que du comité d’Actares, association qui promeut l’actionnariat pour une économie durable.