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Isabelle Cohen Solal: “DEI, oui mais comment ? Et pourquoi l’inclusion ?”

Décembre 2021 – Série n°5

Une nouvelle série d’articles proposée par les membres du Cercle Suisse des Administratrices. Retrouvez tous les articles de cette série, et des précédentes, sur www.csda.ch. Ces articles ne reflètent pas forcément la position du Cercle Suisse des Administratrices et n’engagent que leur auteure.

Aujourd’hui, Isabelle Cohen Solal vous propose “DEI, oui mais comment ? Et pourquoi l’inclusion ?”

Sous ce sigle ou acronyme DEI, parfois D&I selon la prononciation anglophone [ di: ænd ai ], se logent trois notions fondamentales : Diversité, Égalité, Inclusion. Ces mots couvrent de très larges domaines aux contours intentionnellement flous pour laisser la place à l’anti-concret et toutes les subjectivités possibles. Définir ces termes est d’autant plus difficile qu’ils font appel à la sensibilité et la personnalité de chacun. Dans le monde du travail, pourtant, il faudra bien s’entendre sur une représentation commune car les pouvoirs publics, sous l’impulsion politique et populaire, commencent à émettre des avis, imposer des quotas, voire infliger des sanctions. En pratique, cela implique de recruter et d’avoir dans son personnel une diversité d’âges, de sexe, d’origine, d’orientation sexuelles, de handicap, de croyance, de culture, sans discrimination, sans exclusion ni ségrégation… Cette longue liste témoigne de l’absence de contours dans cette recherche de signification, à l’image de l’invisibilité de ce que représente certains de ces termes.

Une des premières étapes dans ce processus d’implémentation de Diversité, Égalité, Inclusion serait d’identifier les biais qui existent dans le milieu professionnel, de faire un état des lieux de ce qu’il faut faire évoluer. En effet, nombreux collaborateurs, en moyenne un tiers selon diverses études européennes, ont fait l’expérience ou été témoins de racisme, âgisme, sexisme … Par méconnaissance, lassitude, indolence ou peur, ces faits ne sont pas dénoncés, suivis, ni poursuivis. Les Conseils d’Administration et la Direction n’en sont probablement pas directement témoins. Les statistiques montrent pourtant que ces biais sont partout, dans toutes les entreprises. Faire l’état des lieux implique de prime abord de connaître le personnel, même dans ses différences invisibles, ce qui n’est, par définition, pas évident. La tâche est d’autant plus difficile, que de manière consciente ou non des biais, ces différences ont été cachées à l’entourage professionnel par le personnel concerné. Les mouvements médiatisés vers davantage de diversité dans la société poussent à plus de transparence à tous les niveaux. C’est véritablement l’occasion de faire une campagne sur cette étape d’identification des biais. Un des moyens de communication éprouvé est l’exemple donné par le Conseil d’Administration et de la Direction : les membres de ces organes doivent afficher une transparence et une bienveillance vis-à-vis de la diversité et la promouvoir.

Une deuxième étape serait de mesurer la progression des actions menées. Malgré des lois et initiatives sur la diversité au travail qui poussent à identifier et à mettre en œuvre de bonnes pratiques dans les différentes étapes des processus de sélection et de recrutement, il n’est pas évident de faire évoluer les mentalités. C’est pourtant en mesurant la progression que les efforts sont encouragés. Afin de suivre les progrès des ressources humaines, il est important de dresser un état des lieux, d’en prendre conscience, d’identifier les biais et de décider d’une stratégie pour réduire ces biais à néant. Cette étape peut être mise en place par le département RH, en coordination avec les organes de l’entreprise mais peut aussi faire appel à un consultant externe, neutre, sans biais historique. Les compétences de chaque membre du personnel de l’entreprise, au-delà du poste, pourront également être identifiées lors de cette phase dans une démarche positive de recensement des forces vives de l’entreprise. Côté recrutement, plusieurs travaux ont montré que les logiciels de sélection de profils des candidats-es ne sont pas neutres, ou même paramétrés de manière très ‘genrée’ avec des stéréotypes redoutables. Il convient d’identifier ces blocages à la diversité pour pouvoir les modifier avant le tri des profils par compétences.

Beaucoup d’autres mesures sont envisageables, et sans être dogmatique, ces étapes ne sont pas toutes obligatoires. Mais il y en a une qui semble intéressante : le sponsor. Il est nécessaire qu’au sein du Conseil d’Administration et de la Direction Générale, il y ait des relais, des mentors, des personnes qui croient suffisamment à la richesse de cette démarche pour en être le sponsor, l’animateur-rice et éventuellement que cette personne fasse partie, non pas d’une minorité peu représentée, mais plutôt, par exemple le cas échéant, d’un homme blanc autour des 50 ou 60 ans. L’exemplarité managériale favorise l’engagement pour l’inclusion.

Dans la nature, la diversité en danger doit être sauvegardée pour l’équilibre de l’ensemble, pour l’écosystème. Cela nous semble évident. Dans l’entreprise, c’est la même démarche, elle doit être reconnue, encouragée et devrait s’imposer car c’est un véritable gage de performance au travail. Les statistiques montrent ce qui paraît intuitif : sélectionner les profils sur leurs seules compétences et connaissances augmente considérablement le rendement financier de l’entreprise. Les divers travaux menés : enquête mondiale de McKinsey 1, étude du cabinet de conseil Deloitte 2, rapport du Bureau International du Travail 3 font état d’une progression de 30 % du chiffre d’affaire ou du résultat. Les preuves sont concrètes, il est nécessaire de mettre en place la Diversité, l’Égalité et l’Inclusion dès maintenant.

(c) Isabelle Cohen Solal

Isabelle Cohen Solal est Business Consultant auprès d’Institutionnels Suisses et internationaux.

Après des études de commerce en Angleterre et un Master de Finance en France, Madame Cohen Solal a été Gérante de Fonds actions internationales et de Fonds Diversifiés sur la place financière de Paris (France). En 2000, elle s‘est installée à Genève et a rejoint une Banque Privée, en tant que Relationship Manager. C‘est en 2006 qu‘elle reprend l‘équipe de Sélection de Fonds Traditionnels et Alternatifs pour la gestion sous mandat d‘une banque étrangère en Suisse. Ensuite, elle rejoint la société Swisscanto pour assurer la gestion de l’entité Romande de distribution des fonds et le suivi de la clientèle institutionnelle. A l’issue du rachat par la Zürcher Kantonalbank, elle devient Vice-President, Responsable des Relations Bancaires pour la Romandie et le Tessin. Depuis 2019, elle accompagne des startups et assure des missions spécifiques pour institutionnels dans les domaines variés de la finance durable, l’immobilier et le strategic business development. Elle est membre de plusieurs Conseils d’Administration, Présidente de l’association 100 Women in Finance en Suisse et membre du Cercle Suisse des Administratrices.

1 https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/business%20functions/organization/our%20insights/delivering%20through%20diversity/delivering-through-diversity_full-report.ashx

2 https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/talents-et-ressources-humaines/articles/diversite-et-inclusion.html

3 https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—dgreports/—dcomm/—publ/documents/publication/wcms_700966.pdf