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“Femmes : entre vie politique et finance”, interview de Caroline Clemetson par Isabelle Cohen-Solal

Les membres du Cercle Suisse des Administratrices prennent régulièrement la plume pour vous proposer des articles sur www.csda.ch. Ces articles ne reflètent pas forcément la position du Cercle Suisse des Administratrices et n’engagent que leur auteure.

Aujourd’hui, Isabelle Cohen-Solal vous propose “Femmes : entre vie politique et finance”, une interview de Caroline Clemetson. 

C’est le 7 février 1971 que les hommes, avec un suffrage uniquement masculin se sont prononcées en faveur du droit de vote et d’élection au niveau fédéral des femmes en Suisse.

À l’occasion du cinquantième anniversaire de cet événement historique, l’Association 100 Women in Finance Geneva que je préside a bénéficié d’une visite guidée de l’exposition Femmes au parlement ! 50 ans de suffrage des femmes du Musée d’Histoire de Berne. Pour nos membres, j’ai organisé, en guise de discours, l’interview de Caroline Clemetson, Avocate, Associée chez Schellenberg Wittmer SA, qui fait partie du département Banque et Finance et qui est membre du comité de direction de ce cabinet d’avocats d’affaires leader en Suisse. Outre de nombreuses autres réalisations et marques de reconnaissance, elle a été élue parmi les 3 premières femmes inspiratrices de l’année 2020 lors des Powerwomen Awards.

Afin de mettre en évidence des liens entre passé et présent, entre politique et finance, entre société et marché du travail, je propose à Madame Clemetson de répondre à quelques questions.

Selon vous, Caroline Clemetson, qu’est-ce que le droit de vote des femmes a apporté à la Suisse ?

Il faut voter pour pouvoir changer les lois. Dans un contexte législatif très conservateur de l’époque, ce fut le signe d’un premier pas vers davantage d’égalité et contre les injustices entre les genres.

Qu’est-ce que ce droit de vote a apporté à la communauté financière ?

Malheureusement, malgré l’émancipation de la femme dans notre société patriarcale, le monde financier n’est pas encore très inclusif. C’est un monde dominé par les hommes même s’ils sont ouverts pour accueillir davantage de femmes. Dès le départ, au niveau de l’éducation, la mentalité pousse les garçons vers les chiffres et les sciences mais pas les filles, orientées souvent vers d’autres domaines. C’est aussi au niveau de l’enseignement que le changement doit s’opérer.

La bataille pour l’égalité des sexes a également mis le sujet de la possession de la richesse par les femmes sous les feux de la rampe. Les femmes contrôlent 32% de la richesse mondiale selon les données de Boston Consulting Group 2019. Est-ce la raison pour laquelle davantage de femmes devraient travailler dans le monde des affaires (droit et finance) pour s’occuper de ce “nouveau” marché de la richesse de la moitié de la population ? ou l’inverse ?

Cela devrait être le cas, mais même les femmes font davantage confiance aux hommes pour les questions d’argent, probablement par habitude. Pourtant les performances des femmes qui gèrent des actifs financiers sont souvent supérieures à celles de leurs homologues masculins.

Cette tendance a-t-elle un impact sur les investissements ESG (Environnement, Social et Gouvernance), car les femmes ne prennent pas le même type de risque et ont davantage tendance à privilégier la durabilité ?

Absolument, les femmes veulent la durabilité à tous les niveaux, avec un impact réel, dans la Finance et dans tous les autres domaines. Elles y ont contribué dans le passé et encore aujourd’hui elles s’impliquent pleinement dans ce mouvement.

La réglementation contribuerait-elle à équilibrer l’écart de rémunération entre les sexes, qui se maintient et qui réduit les perspectives d’accumulation de richesse pour les femmes ?

Il y a 15 ans j’aurais répondu non, la règlementation ne doit pas intervenir. Mais je constate aujourd’hui que c’est nécessaire, j’en veux pour exemple les quotas pour contrer des recrutements de complaisance et cela sera souhaitable jusqu’à l’égalité dans la reconnaissance et l’incompétence [sic].

 

À l’image de ces propos, il aura fallu attendre 1988 pour que les femmes puissent ouvrir un compte bancaire sans l’aval de leurs époux.

Aujourd’hui, c’est un segment de clientèle qui intéresse particulièrement les banques. Face à la part grandissante de richesse détenue par les femmes, l’industrie financière doit en faire davantage pour faire fructifier la fortune des femmes de manière plus efficiente en leur faveur, afin de parvenir à diminuer – puis à éliminer – l’écart qui sépare les genres en termes d’investissements. Les besoins de la clientèle féminine sont spécifiques et les conseils financiers doivent correspondre aux situations personnelles.

À l’avenir et considérant la mode d’inclusion que nous vivons, la place de la femme devra se normaliser par la règlementation et / ou par l’évolution de la mentalité pour un inconscient collectif plus inclusif. Il est grand temps que la distinction ne se fasse plus dans le genre.

(C) Isabelle Cohen Solal

Isabelle Cohen Solal est Business Consultant auprès d’Institutionnels Suisses et internationaux.

Après des études de commerce en Angleterre et un Master de Finance en France, Madame Cohen Solal a été Gérante de Fonds actions internationales et de Fonds Diversifiés sur la place financière de Paris (France). En 2000, elle s‘est installée à Genève et a rejoint une Banque Privée, en tant que Relationship Manager. C‘est en 2006 qu‘elle reprend l‘équipe de Sélection de Fonds Traditionnels et Alternatifs pour la gestion sous mandat d‘une banque étrangère en Suisse. Ensuite, elle rejoint la société Swisscanto pour assurer la gestion de l’entité Romande de distribution des fonds et le suivi de la clientèle institutionnelle. A l’issue du rachat par la Zürcher Kantonalbank, elle devient Vice-President, Responsable des Relations Bancaires pour la Romandie et le Tessin. Depuis 2019, elle accompagne des startups et assure des missions spécifiques pour institutionnels dans les domaines variés de la finance durable, l’immobilier et le strategic business development. Elle est membre de plusieurs Conseils d’Administration, Présidente de l’association 100 Women in Finance en Suisse et membre du Cercle Suisse des Administratrices.