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Caroline Perriard: Protection de la marque en ligne: quel budget pour quels objectifs ?

Protection de la marque en ligne: quel budget pour quels objectifs ?

Juin 2022 – Série 6

Notre nouvelle présidente Marie de FREMINVILLE a inauguré début juin une nouvelle série d’articles proposée par les membres du Cercle suisse des administratrices.

Retrouvez tous les articles de cette série, et des précédentes, sur www.csda.ch. Ces articles ne reflètent pas forcément la position du Cercle Suisse des Administratrices et n’engagent que leur auteure.

Caroline Perriard vous propose: “Protection de la marque en ligne: quel budget pour quels objectifs ?”

Cet article explique les tenants d’une stratégie de propriété intellectuelle couvrant spécifiquement la présence de la marque en ligne. L’environnement numérique évolue de manière très rapide. Votre marque est-elle bien protégée dans ce nouvel environnement ? Le Conseil d’Administration doit pouvoir comprendre les actions prévues par la direction, mais aussi en soutenir l’approche – qui nécessite un budget.

La marque est le nom que l’entreprise a donné à ses services et ses produits. Une marque forte permet de se démarquer de ses concurrents et d’accroître la visibilité des produits et services. La marque est non seulement attachée physiquement à l’offre de l’entreprise, elle sera aussi le signe recherché sur Internet par les clients, les acheteurs potentiels et les cybersquatteurs.

On peut citer en exemple les sociétés Tesla, Uber, Netflix ou Spotify qui ont débuté en communiquant auprès d’un public cible avant de se transformer en marques globales, devenues des marques fortes au gré de la demande et grâce à une présence sur Internet accrue.

Investir dans les actions pour soutenir la visibilité d’une marque en ligne est incontournable. Le montant à allouer dépendra de facteurs variés, tels l’évolution des produits (via des NFT par ex.), le marketing numérique et le positionnement de la concurrence. Le propos de cet article est donc de réfléchir aux éléments qui vont déterminer le besoin d’engager un budget et des coûts supplémentaires pour assurer la protection de la marque en ligne.

 

L’importance d’actualiser son portefeuille de droits

Les droits de propriété intellectuelle, dont font partie la marque, le brevet, le modèle ou le droit d’auteur créent le portefeuille de biens immatériels de l’entreprise. Les créations sur lesquelles se fondent ses droits évoluent : un logo se modifie, des nouveaux produits sont lancés sous le même nom. Dans le monde numérique, l’évolution peut être drastique, notamment avec l’arrivée de ce que nous nommons le monde parallèle : le bitcoin et des nouvelles extensions de noms de domaine (par ex. .eth) ou les jetons cryptographiques (token ou NFT) faisant acte de propriété sur des environnements uniquement numériques comme la blockchain et le métavers.

La marque est enregistrée pour des produits et services spécifiques. Au fil du temps, la couverture de protection devra être revue à la lumière des nouvelles applications de cette marque. Soudain un sac physique transformé en objet numérique demandera éventuellement une protection en tant que logiciel et non en tant que sac. Cela a évidemment un impact sur les moyens qui vont être investis pour protéger ces innovations.

Une évaluation de la marque telle qu’enregistrée sera nécessaire et on passera en revue certaines questions comme :

  • La marque existante est-elle disponible pour de nouveaux produits et services, tels des logiciels ?
  • Une extension sur de nouveaux territoires est-elle prévue ?
  • Quels sont les risques de ne pas étendre la protection, compte tenu de la (maigre) jurisprudence actuelle par rapport aux nouvelles technologies ?
  • A quel moment investir dans de nouvelles approches marketing ?

Aux frais liés à cette évaluation initiale, s’ajouteront, le cas échéant, des frais de recherche, d’enregistrement et de procédure liés au droit des marques. On peut certainement débuter avec une enveloppe de 2’000 à 3’000 CHF, alors que la recherche et dépôt d’une nouvelle marque dans 4 pays requièrent un budget d’au moins 6’000 CHF.

Il est intéressant de relever les résultats d’une étude conjointe OEB/EUIPO de 2019/2021* selon laquelle les PME qui détiennent au moins un droit de propriété intellectuelle ont 21% de chances de plus de connaître une période de croissance. Il a également été révélé que moins de 9% des PME possédaient un des trois principaux droits de propriété intellectuelle (brevet, marque et modèle), alors que ce chiffre avoisine les 60% pour les entreprises de taille plus grande.

  • http://documents.epo.org/projects/babylon/eponet.nsf/0/F59459A1E64B62F3C12583FC002FBD93/$FILE/high_growth_firms_study_en.pdf

 

Garantir la présence de la marque en ligne

La marque doit être visible en ligne, même si l’entreprise ne gère aucun site de commerce en ligne. Il est évident que des ressources sont nécessaires pour faire en sorte que la marque soit détectable et qu’elle puisse conduire à l’achat des produits et services.

Le terme « en ligne » englobe divers actifs, tel un site web dédié à l’entreprise, des pages sur les réseaux sociaux, des offres sur les places de marchés, des références sur les forums spécialisés, ou encore un référencement optimal via les moteurs de recherche.

Ces actifs vont pouvoir aider à illustrer l’usage de la marque de façon commerciale. Un usage sérieux et constant accroît la force distinctive de la marque (« la marque forte » citée ci-dessus). On pourra ainsi démontrer les efforts investis dans la communication et le marketing des produits sous cette marque.

Il est donc clair que ces investissements ajouteront de la valeur (certes immatérielle, néanmoins comptable) à l’entreprise.

 

Faut -il plus de budget ?

Est-il nécessaire pour le Conseil d’Administration d’allouer un budget supplémentaire à la protection et à la défense des marques existantes pour soutenir la présence numérique de la marque ?

Oui, sans aucun doute. Cette présence doit être réfléchie et surtout il convient d’agir à temps :

  • Ouvrir les pages sur les réseaux sociaux sans attendre, et en modérer le contenu ;
  • Etendre la protection des marques aux nouvelles formes de produits et services ;
  • Surveiller le dépôt de signes similaires, comme les noms de domaine, ainsi que les marques similaires dans des catégories plus « digitales », comme le développement de logiciels ;
  • Décider quels usages non-autorisés de la marque peuvent porter atteinte à la réputation de la marque de façon significative. Dans l’affirmative, identifier quelles actions sont à disposition pour surveiller ces méfaits et prendre des actions.

La direction et le Conseil d’Administration seront les entités qui approuveront le budget pour mener à bien ces activités d’expansion.

A l’inverse, en cas d’interruption d’usage d’une marque, il convient de réduire les coûts, en cessant la  surveillance de la marque ou des noms de domaine. On pourra également considérer vendre ces droits à des tiers, ce qui permettrait de faire éventuellement un gain monétaire. On peut citer l’acquisition de Siri par Apple et de Gillette par Procter & Gamble, des marques qui avaient bénéficié d’investissements réguliers afin de les protéger globalement.

Un portefeuille actualisé et à jour permettra de consolider la valeur des biens immatériels et donc d’augmenter celle de l’entreprise.

 

L’intégration des stratégies numériques a définitivement un coût qui doit être évalué à la lumière du positionnement de la marque, et aussi de son audience. Lors de l’approbation d’un budget, le Conseil d’Administration prendra en compte les divers paramètres afin que la présence de la marque en ligne soit renforcée et qu’on dispose de droits forts pour la défendre.

 

 

Caroline Perriard, CEO BRANDIT

https://ch.linkedin.com/in/carolineperriard

www.brandit.com

 

Caroline Perriard est co-directrice de BRANDIT, une société de conseil alliant l’expertise technologique et juridique des marques et de la protection des données.