Les membres du Cercle Suisse des Administratrices prennent régulièrement la plume pour vous proposer des articles sur www.csda.ch. Ces articles ne reflètent pas forcément la position du Cercle Suisse des Administratrices et n’engagent que leur auteure.
Aujourd’hui, Isabelle Cohen-Solal vous propose “L’assurance D&O”
Dans le contexte économique actuel, les enquêtes menées par les autorités de surveillance nationales et étrangères figurent parmi les prétentions les plus fréquentes.
Qu’ils fassent partie d’un grand groupe ou d’une PME, les membres de la direction et du conseil d’administration ainsi que de tous les autres organes d’une entreprise ont la responsabilité légale de prendre des décisions dans l’intérêt de la société. S’il y a manquement, les dirigeants peuvent être tenus personnellement responsables par les associés et les créanciers.
Afin que les membres des organes de la société ne soient pas obligés de répondre sur leur fortune personnelle en cas de négligence ou de mauvaise décision entrepreneuriale, il est primordial d’accorder une importance particulière à une protection complète contre les risques en responsabilité.
Que couvre la D&O, à savoir la «Directors and Officers Liability Insurance» ?
Elle couvre la responsabilité civile des organes et s’appelle également Assurance de la responsabilité civile pour préjudices de fortune des organes de société.
Légalement, les directeurs et les participants aux autres organes de l’entreprise sont responsables des dommages qui découlent de leurs actions ou omissions si celles-ci sont considérées comme un manquement à leurs devoirs. Cette responsabilité étant personnelle et illimitée, elle affecte donc également la fortune personnelle.
Les personnes assurées sont tous les anciens, actuels ou futurs membres de la direction supérieure de la société, c’est-à-dire du conseil d’administration, de la direction et le contrôle interne. Parfois les personnes qui disposent d’importants pouvoirs de décision, mais qui ne sont pas nommément désignées en tant que membre d’un organe, sont également assurées.
L’assurance protège les personnes assurées contre les coûts de la défense judiciaire et extrajudiciaire en cas de plaintes non justifiées. Elle prend également en charge les dépenses générées par des plaintes justifiées, inclus les dommages-intérêts ou frais d’avocat. Elle protège aussi le patrimoine privé de la personne assurée. Parfois, les frais de rétablissement d’une bonne réputation sont pris en charge.
Par exemple, quelles violations d’obligations sont assurées ?
Il s’agit de manière non -exhaustive d’actions très variées, comme : des décisions tardives, erronées ou manquantes, l’insuffisance de surveillance et contrôle, le non-respect du cadre juridique (droit de l’environnement, du travail et de la concurrence, impôts et charges sociales, etc.), d’informations erronées publiées, d’erreur d’évaluation lors d’une fusion, d’un rachat ou d’une cession d’une filiale, ou de non-application de mesures d’assainissement en présence d’une mauvaise situation financière.
En outre, les créanciers d’une entreprise peuvent porter plainte contre ses organes en cas de faillite ou d’insolvabilité. La défense contre des accusations à l’encontre de l’entreprise ou de ses responsables peut rapidement coûter plusieurs dizaines de milliers de francs.
Qui peut souscrire cette assurance et quel est le processus ?
En l’occurrence, le preneur d’assurance est l’entreprise, tandis que la couverture s’applique aux personnes physiques en leur qualité de membres d’organes dirigeants, pour leur responsabilité en cas de dommages causés en raison d’un manquement à leur devoir de diligence.
Les compagnies assurent toutes les entreprises cotées, non cotées, sauf celles réglementées par la FINMA. Cette assurance s’adresse aux sociétés anonymes mais également à presque toutes les formes de sociétés et fondations.
L’assureur commence par adresser un questionnaire sur l’entreprise, concernant sa taille, son périmètre géographique, ses statuts, son historique d’activité et juridique, les intérêts croisés (administrateurs indépendants ou non, actionnaires avec droits de vote ou non et toutes les combinaisons possibles), sa situation financière. Les questions portent également sur la hauteur du Bilan et du Chiffre d’affaires. C’est l’occasion pour l’entreprise et ses organes de direction de faire un point de situation et pour les nouveaux membres du Conseil d’Administration, par exemple, de connaître l’entreprise sous un autre angle de risque.
Il ne faut pas sous-estimer cette étape. Il s’agit du devoir d’information. En effet, le jour du sinistre, l’assureur évaluera l’adéquation du profil indiqué avec la situation en cours pour apprécier le risque réellement assuré. Si la société évolue, il est primordial d’informer son assureur régulièrement. Une différence entre le questionnaire et la situation réelle rendrait la couverture d’assurance inadéquate. La société en pâtirait en cas de sinistre.
Un autre point important est de prévoir formellement la procédure : la personne qui fera cette mise à jour des informations contenues dans le questionnaire et à quelle fréquence. Pour une jeune société, en pleine croissance, c’est essentiel.
Combien coûtent les primes ?
Le calcul des primes est parfois difficile à comprendre car il résulte de la prise en compte de beaucoup de facteurs. La prime peut s’élever, selon la compagnie d’assurance et la taille , à 1 000 CHF ou 25 000 CHF voire à 75 000 CHF pour des couvertures du type frais de défense, prétentions civiles en dommages et intérêts. La question du montant à assurer dépend de plusieurs éléments. Pour les entreprises de taille réduite, rapporter le niveau de la couverture à celui des fonds propres de la société reste néanmoins assez répandu. Alors que les prétentions envers des D&O peuvent atteindre des centaines de milliers, voire des millions de francs, la prime annuelle d’une police d’assurance D&O est relativement bon marché. Souvent l’assureur demandera de connaître les contrats pour les autres risques car il existe des rabais de combinaison d’assurances.
Pour conclure, il ne faut pas confondre cette assurance D&O avec une protection juridique professionnelle. Les violations des obligations des organes d’une entreprise ne sont pas couvertes par d’autres polices d’assurance responsabilité civile, telles que l’assurance responsabilité civile professionnelle.
En outre, il est important de regarder l’étendue de la couverture, en particulier celle des amendes et d’assurer le flux de communication pour garantir l’adéquation du contrat.
Il est difficilement concevable aujourd’hui, compte-tenu des risques encourus, de rejoindre un Conseil d’Administration sans se préoccuper de cette tâche administrative. L’évolution et l’augmentation des exigences vis-à-vis des organes dirigeants et de leurs membres en termes de gouvernance imposent de manière croissante la souscription de cette assurance.
(c) Isabelle Cohen Solal
Isabelle Cohen Solal est Business Consultant auprès d’Institutionnels Suisses et
internationaux.
Après des études de commerce en Angleterre et un Master de Finance en France,
Madame Cohen Solal a été Gérante de Fonds actions internationales et de Fonds
Diversifiés sur la place financière de Paris (France). En 2000, elle s‘est installée à
Genève et a rejoint une Banque Privée, en tant que Relationship Manager. C‘est en
2006 qu‘elle reprend l‘équipe de Sélection de Fonds Traditionnels et Alternatifs
pour la gestion sous mandat d‘une banque étrangère en Suisse. Ensuite, elle
rejoint la société Swisscanto pour assurer la gestion de l’entité Romande de
distribution des fonds et le suivi de la clientèle institutionnelle. A l’issue du rachat
par la Zürcher Kantonalbank, elle devient Vice-President, Responsable des
Relations Bancaires pour la Romandie et le Tessin. Depuis 2019, elle accompagne
des startups et assure des missions spécifiques pour institutionnels dans les
domaines variés de la finance durable, l’immobilier et le strategic business
development. Elle est membre de plusieurs Conseils d’Administration, Présidente
de l’association 100 Women in Finance en Suisse et membre du Cercle Suisse des
Administratrices.